Première traversée de l'Océan Atlantique
par un signal sans fil :
Poldhu - Signal Hill
 
  Mahlom Loomis   Marconi et le Bristol Channel   Marconi et les liaisons transatlantiques   Epilogue et sources
 
Juin 1900 : Marconi décide de faire des essais transatlantiques.


En juillet, Marconi visite le sud-ouest de la Cornouailles (Angleterre) pour repérer un site approprié. L'endroit choisi était sur un promontoire au-dessus d'une crique à Poldhu. Le lieu est bien positionné pour permettre aux ondes de rejoindre la côte Est des Etats-Unis sans rencontrer de terre ou de montagnes.

La construction de la première station de transmissions transatlantiques a commencé en octobre. Un émetteur était activé par un moteur d’une puissance effective de 32 chevaux, alimentant un alternateur de 25kw et relié à 20 mâts de 60m de haut en un cercle d'un diamètre de 60m (photo de droite)

Mais le 17 septembre 1901, sur le point d’être achevée, l'antenne géante de Poldhu s'est effondrée dans une rafale. Une antenne provisoire a été construite en utilisant deux des mâts originaux. C'était la configuration aérienne en place pendant les expériences transatlantiques de décembre 1901.

L’idée de Marconi était d’employer des méthodes qu'il avait déjà utilisées un certain nombre de fois auparavant en utilisant des cerfs-volants. En effet, des cerfs-volants et des ballons d'hydrogène avaient été employés avec succès pour soulever des antennes dans des situations antérieures de transmission (expérience transmanche).
Lundi, 9 décembre, le matériel est transféré du bateau vers l’entrepôt de Signal Hill (Terre Neuve). L'équipement reçu comprend un fil d'antenne, six cerfs-volants, deux enveloppes de ballon hydrogène et 25 bouteilles d'hydrogène.

Par le câble, Marconi demande à Poldhu, avec son antenne provisoire, de transmettre la lettre de Morse « S » pendant trois heures chaque jour.

Mardi l'essai commence. Un cerf-volant est mis en vol avec 180 m de fil d'antenne pour s'assurer que le système fonctionne.

Mercredi, en conditions brumeuses, un ballon de 4m et de 29m3 d'hydrogène, est testé. Le vent se lève soudainement. Le ballon se déchire et se perd dans l'Océan Atlantique. Ainsi, on décide que les cerfs-volants seraient le plus susceptible de résister aux éléments.

Le jeudi 12 décembre le vent était encore plus fort. Un cerf-volant a été perdu à cause d’une rafale de vent.
 
Guglielmo Marconi (gauche) avec George Kemp, 1901, avec une partie de l'équipement nécessaire
aux essais transatlantique à Signal Hill.
Installation à Signal Hill, utilisée par Marconi
pour héberger la station de réception sans fil
     
Le récit suivant est celui de Hal Holwell, (juillet 2001). Son père William Holwell était l'un des locaux recrutés par Marconi pour l’aider dans ses travaux. Il faisait partie de l’équipe qui utilisa le cerf-volant à Signal Hill pour la transmission radio, en ce 12 décembre 1901.
 
William Holwell tenait la ligne attachée au grand cerf-volant. Du côté sous le vent du cerf-volant se tenait William Paget, l’assistant de Marconi. Le vent était constant et glacial. Holwell s’étonnait de ces hommes, Marconi, Kemp et Paget, et de leur détermination à défier les distances avec un équipement aussi étrange.

Lui et les autres ont tiré sur la ligne, alors que Paget laissait s’envoler le cerf-volant. Les vents tumultueux, une caractéristique constante de Signal Hill, rendaient difficile le maintient du cerf-volant à la bonne altitude, nécessaire pour l’antenne.

Un fil d'antenne était fixé à une extrémité du cerf-volant, l'autre extrémité étant mis à la terre. Faire voler le cerf-volant avec ce point d'ancrage supplémentaire et avec ces vents forts était une tâche difficile. Finalement, ils ont réussi à le faire tenir dans un vent à vous glacer le sang.
   
À l'intérieur du bâtiment, sur un dispositif de réception sans fil, (radioconducteur) connu sous le nom de cohereur(*), était fixé un fil électrique passant par le cadre de la fenêtre et relié à l'antenne instable suspendue au cerf-volant.

Le cerf-volant continuait à voler dans un vent fort. Il tirait très fort sur les mains de Holwell.

Comme l'antenne bougeait dans tous les sens, Marconi ne pourrait pas utiliser le dispositif de réception prévu pour donner les preuves de la réception d’un signal.

Un enregistreur de Morse, qui était capable de recevoir des signaux et de les encrer sur une bande de papier, ne fonctionnerait pas avec une telle antenne instable.
Marconi et ses aides lançant le cerf-volant soutenant l'antenne à Signal Hill. Marconi se trouve à gauche.
 
Marconi a donc improvisé et utilisé un récepteur de téléphone, écoutant attentivement. Il le tenait près de son oreille et écoutait le signal qui pourrait provenir de l’autre côté de l'Océan atlantique. La tension était palpable, mais les pionniers de la transmission sans fil sont restés calmes et attentifs, espérant ardemment un son.
 
Marconi dans la salle de réception à Signal Hill
Récepteur téléphonique utilisé pour recevoir
le premier message transatlantique en 1901
   
Enfin, sur les ondes, faible mais perceptible, le bruit de trois points, signal international de code Morse pour la lettre « S », s’est fait entendre. Il était 11:30 heure du matin. Marconi a tranquillement passé le récepteur à George Kemp. Il a écouté. Une fois de plus le signal est parvenu et Kemp a hoché la tête pour confirmer.
Seulement deux personnes avaient entendu les signaux par le récepteur.

Aucun signal n'avait pu être enregistré sur le dispositif d’impression de Morse.

Le signal venait d'être transmis de Poldhu près de Mullion, à une distance d'environ 3.000 kilomètres.

C'était la première fois que l'Océan Atlantique était traversé par un signal sans fil !
Station de Poldhu (Angleterre)
 
William Holwell et les autres cerfs-volistes ont été invités à l'intérieur pour se réchauffer avec un chocolat chaud. Les cerfs-volants ont été tranquillement emballés dans des caisses d'expédition et renvoyés à Marconi Company à Chelmsford, Angleterre.
Leur rôle accompli, ils ont été stockés.
Télégramme de félicitations envoyé à Marconi par Alexander Graham Bell
"Félicitations chaleureuses, je me réjouis de votre succès. Graham Bell"

Ce signal venait de prouver, sans aucun doute, que son système sans fil pourrait voyager autour de la Terre et au-delà de distances considérables.

(*)Le cohereur, inventé par M. Branly, était une forme primitive de détecteur de signal par radio se composant d'une capsule de limaille de métal entre deux électrodes.


Cette découverte mena à la naissance de la radio, de la télévision et des télécommunications modernes.

En 1907, un service de télégraphe sans fil transatlantique a été instauré pour l'usage public. En 1909, Marconi a reçu le prix Nobel en physique, conjointement avec le physicien allemand Karl Ferdinand Braun, pour son travail novateur en télégraphie sans fil en commun.

Marconi est mort à Rome le 20 juillet 1937. Dans le monde entier, les opérateurs des transmissions sans fil se sont senti concernés et les émetteurs sont restés silencieux pendant deux minutes.

La station de Poldhu a été fermée en 1933. En 1937 l'emplacement a été nettoyé et 10 âcres ont été données à la National Trust et un monument a été érigé pour marquer l’importance de ce site.

Photo de gauche :
Lors des célébrations du 25ème anniversaire de la première transmission sans fil au dessus de l'Océan Atlantique, George Kemp a présenté un cerf-volant qui a été utilisé pendant ces expériences transatlantiques. Ce cerf-volant provient du National Museum of Science and Industry.

   
Les cerfs-volants

Il y avait six cerfs-volants avec des tailles variables. Dans les archives, il est mentionné un cerf-volant de 2,75 m de hauteur et d'autres qui mesuraient environ 1.90 m de hauteur.

Tous les cerfs-volants étaient de type de Baden-Powell. Les cerfs-volants étaient fabriqués par G.C. Spencer et Bros. Ltd, Highbury, Londres, Angleterre. Spencer était un fournisseur bien connu de ballons et de cerfs-volants.

Au moins deux des cerfs-volants ont été perdus durant les quatre jours de vol à Signal Hill. Un a été récupéré par un capitaine d'un bateau de pêche et l'autre dans une vallée du côté du nord de Signal Hill.

A ce jour, il reste seulement deux cerfs-volants identifiés comme provenant de l’équipement. L’un se compose seulement de la toile. L'autre est complet avec la toile, l'armature et une partie du bridage intact.

La toile du cerf-volant complet mesure 1.83m de hauteur par 1.77m de large. Les toiles sont en coton lourd. Tous les bords extérieurs ont été renforcés avec la bande de toile et cousus avec du fil de coton.
 
La toile est composée de cinq panneaux de tissu cousus ensemble. Aux principaux points d'effort, là où l'armature et le bridage sont attachés au cerf-volant, des morceaux de coton ont été cousus pour renforcer la toile. Des oeillets isolants en laiton ont été utilisés sur la toile de cerf-volant aux points d’attache entre l'armature et le bridage.
L'armature se compose de trois tiges en bambou. Le longeron principal mesure 1.99m et les barres transversales 2.15m. Ainsi, une fois entièrement assemblés, les longerons dépassent en hauteur et en largeur la toile du cerf-volant. Le bridage a été fait en cordage de chanvre et a été attaché au cerf-volant par six points d’ancrage. Aucune photo ou document existant, ne montre la preuve d'un système de cintrage pour le cerf-volant.