Manu Bertin est parti le 26 avril de l'île La Gomera aux Canaries pour un raid sur l’Atlantique en kitesurf. C’est de cette île que Christophe Colomb est aussi parti pour découvrir le nouveau monde. L’objectif sportif de Manu Bertin est d’aller le plus loin possible vers les Caraïbes, distantes de 3000 milles nautiques à l’ouest (5 400 km).

 
Pour mener à bien cette nouvelle aventure et être toujours en mouvement, Manu utilisera l’un après l’autre trois supports différents aéro-tractés par cerf-volant :

- la planche de kite-surfing (2,70 m) avec laquelle il a déjà traversé la Manche, la Méditerranée, et le détroit entre Maui et la grande île d’Hawaii (gréement aile de kitesurf / position debout).
                                                         
- un catamaran (baptisé Kit Cat) équipé de deux planches de surf (2,10 m) reliées par une armature métallique sur laquelle est installé un siège (gréement aile de kitesurf  / position assise sur une nacelle au milieu), invention développée il y a 20 ans par le Néo-Zélandais Peter Lynn et revue pour l’occasion.

- un canot pneumatique (baptisé Cochise) lui permettant de dormir, de manger et de se laver (4,10 mètres - tracté par un cerf-volant monofil de type  FlowForm / position couchée). Il est équipé d’une tente pour l’alpinisme extrême, résistant aux vents violents.

Les trois embarcations permettront donc à Manu Bertin d’être en mouvement permanent. la planche de kite-surfing et le Kit Cat lui permettant de se propulser à des vitesses comprises entre 10 et 20 nœuds et le canot pneumatique de se reposer tout en continuant la progression à une vitesse comprise entre 3 et 6 noeuds.

Les trois supports - Photo Carole Rista – Rivacom
Cette configuration multi support a été adoptée afin de conserver l’essence même de la discipline : glisse, vitesse et légèreté.

Un catamaran de 50 pieds "Baies du Monde" l’assistera pour le ravitaillement et la logistique (passer d’un matériel à l’autre : planche, Cochise ou Kite cat). L’équipage du catamaran est composé de 4 personnes, dont l’armateur Didier Courant qui assurera en plus les prises de vues. Manu Bertin ne montera pas à bord pendant la tentative.

Photo Jerome Delafosse

25 avr. 06
Après plusieurs jours de test sur les différents matériels, Manu Bertin est fin prêt pour son défi hors normes. Le Kit Cat est au point et les tests sont très satisfaisants.

26 avr. 06
Devant le phare San Cristobal sur l’île de la Gomera, Manu Bertin vient de s’élancer ce mercredi à 16h30
« Les conditions sont idéales : 25 noeuds et une grosse houle de Nord de plus de 3 mètres. Je vais tenter de me dégager des îles et de parcourir 30 à 40 miles avant de passer la nuit sur mon lit flottant, Cochise , le  canot pneumatique. »

28 avr. 06
Manu Bertin a connu une très difficile mise en route. Après deux nuits blanches passées avec plus de 35 noeuds de vent, il tente de retrouver un peu de repos.
"Le départ s'est déroulé comme prévu dans de bonnes conditions mais avec l'effet Venturi entre les îles, j'ai pas mal lutté pour m'en dégager. La première nuit a été très difficile. 30 noeuds de vent, mais la tente a très bien rempli son rôle. Je n'ai pas dormi car forcement au vent et à la mer houleuse, s'ajoutent l'appréhension et manque d'habitude. Il faut s'amariner. Le vent est tombé dans la matinée de jeudi, puis l'après midi, il est remonté mais à l'Ouest donc il nous poussait vers l'Afrique ! Il a tourné et j'ai pu faire une bonne session de kite surf l'après midi. »  

Une seconde nuit pire encore.
"La seconde nuit a été abominable. Je me suis retrouvé dans mon canot; qui n’est jamais qu’à 20 cm de l'eau ; avec 35 noeuds de Nord et une très très grosse houle de plus trois mètres. Je tentais de trouver le sommeil, mais c'était impossible. J'avais très peur du retournement. Je l'ai frôlé trois fois pris par des vagues plus grosses. J’avais tout mon matériel de sécurité à poste au cas où. C'était hallucinant, dans la nuit noire, seul dans mon abri, je voyais le plancton phosphorescent passer au-dessus de ma tente ! Le tout dans un vacarme assourdissant. »

Comme la veille, le vent est tombé au matin et Manu en a profité pour dormir un peu. La voix encore fatiguée mais calme il prend le temps d’analyser et de positiver comme toujours.
« On a fait un beau départ et j’ai parcouru 100 milles en un jour et demi dans des conditions très rudes. Je me suis désormais dégagé de l’Archipel des Canaries. Mon assistance a été au top, les lancers d’ailes se sont parfaitement déroulés. »

30 avr. 06
Depuis son départ mercredi dernier, Manu Bertin a parcouru 300 miles.
La progression est bonne : Manu se situe à 300 miles dans le Sud-Ouest des Canaries après moins de quatre jours de mer. Ceci malgré les vents très violents des deux premiers jours et la faiblesse d’Eole depuis.

Cochise - Photo Didier Courant – Rivacom
L'autre satisfaction est indirectement liée au manque de vent. Il en a profité pour tester une nouvelle aile sur son Kit Cat : "C'est une aile que j'ai fait fabriquer en Nouvelle-Zélande. C'est une aile ultra-légère sur les modèles de l'Américain Francis Rogallo, ingénieur à la NASA. Ce sont ces types d'ailes (forme en V) qui ont servi pour les missions Apollo et qui servaient à faire atterrir sur terre les modules lunaires de la NASA. Ces mêmes ailes ont ensuite servi à la création du deltaplane, puis avec une structure gonflable au Flexikite. Malgré les difficultés pour la lancer, je progressais à 7/8 noeuds avec 10 noeuds de vent sur mon Kit Cat pendant 4 heures."

«
Le moral est bon, mes deux dernières nuits ont été reposantes. Je suis fatigué mais ça va. Ces vents faibles m’ont permis de récupérer un peu, mais je risque de ressentir la vraie fatigue dans quelques jours. » conclut Manu Bertin.

Kit Cat - Photo Didier Courant – Rivacom
11 mai 06
À 830 Miles de la Guadeloupe, Manu Bertin a touché depuis peu les alizés permanents et progresse sous des vents constants de 20 à 25 nœuds parfois piégeurs. Hier soir, le “Kit Cat” s’est en effet retourné lors d’une dévente. «L’engin continuait d’être tracté par l’aile et je me suis retrouvé bloqué, accroché par le harnais et traîné dans l’eau. Cette situation aurait pu être très dangereuse. Le catamaran d’assistance n’avait aucune possibilité d’intervention et n’a d’ailleurs même pas remarqué que j’étais en difficulté.» Une mésaventure qui n’empêche pas Manu Bertin de rester serein.

«
J’ai notamment fait des sessions de “Kit Cat” extraordinaires. Dans les petits airs de 10 noeuds, je marche à 7-8 et à 12-14 nœuds avec 20 noeuds de vent et une houle formée. Cet engin est plein d’avenir, il est facile, maniable, amusant.» «Il faut être au top absolument partout. Ma plus grosse satisfaction depuis le début est de voir que le concept et notamment le matériel que nous avons mis au point est fiable et complémentaire.»

Le Kit Cat est un parfait exemple de l’esprit innovant de cette aventure. Développé il y a 20 ans par le Néo-Zélandais Peter Lynn, la machine s’avérait parfaite dans des conditions de mer plate. Mais pas dans la houle. Il a fallu à Manu et à son ami Paolo Rista adapter des planches de surf à la place des deux coques, pour passer dans la houle.



« Lors des premiers jours, nous avons connu quelques difficultés. Au niveau des Canaries, entre 25 et 20 de latitude Sud, nous sommes tombés sur une zone très perturbées avec des vents contraires qui me repoussaient vers l’Afrique. J’ai fait le choix de remonter à bord de mon catamaran d’assistance pour quitter cette zone simplement pour des raisons financières. »

«
Avec ces pannes de vent rencontrées au début de l’Atlantique, je n’avais pas les moyens de payer un équipage et un bateau pendant deux mois en attendant le vent dans mon canot. Je pourrai choisir de me laisser porter par les vents, mais où est l’intérêt sportif. L’idée n’est pas de subir la traversée mais de la faire avec l’esprit qui est le nôtre : légèreté, performance et glisse. Depuis je n’ai pas arrêté de naviguer. »



Cochise sur Baies du Monde - Photo Didier Courant – Rivacom
15 mai 06
Manu Bertin en approche de la Guadeloupe.
Manu Bertin dresse un rapide bilan de ses trois semaines de navigation depuis les Canaries.  « La somme des enseignements sur le matériel, l’équipe et la préparation est énorme et n’a pas de prix. Le bilan de cette traversée est très positif, l’expérience emmagasinée est inestimable. Elle va nous servir dans le cadre d’une traversée organisée avec des moyens adéquats. Il ne s’agit pas uniquement de finances. En kite surf par exemple, je vais souvent 4 à 5 noeuds plus vite que le cata d’assistance. Il me faut donc faire demi-tour pour les rejoindre car sur ma planche de kite je suis trop vulnérable ».
Sur les conditions actuelles : « Les alizés sont bien établis mais un peu faibles. Du coup, hier j'en ai profité pour réaliser une session mémorable de kite surf avec ma plus grande aile de 20 m2 et ma long board. Un pur moment de glisse, sublime, au milieu de l'Atlantique. Cette session aussi va rester dans ma mémoire déjà bien remplie d'images rares.  Durant cette nuit, j'ai fait 50 miles à bord de Cochise mon canot pneumatique avec une aile de 6 m2. C'est une belle performance pour ce support, mais du coup la nuit a été agitée et j'ai peu dormi. » conclut-il.

Ce qui n'empêche pas Manu Bertin d'apporter, comme souvent, une touche artistique à son projet en plein océan : " Hier soir j'ai imaginé une sculpture de lumière. J'ai accroché 50 cyalumes à ma ligne de kite (petits bâtonnets qui deviennent lumineux quand on les plie). C'était magnifique, sublime. C’était pour moi l’illustration d’un vrai trait d'union entre la mer et les étoiles."

17 mai 06

Manu Bertin est arrivé : Une aventure extraordinaire qu’il souhaite partager collectivement. 

« Je suis super content, j’ai vécu une aventure formidable. Avec les cinq membres d’équipage du catamaran d’assistance « Baies du Monde » sur le plan humain également c’était fabuleux. Toute cette traversée est hyper positive, j’ai appris sur le matériel, sur la stratégie, et humainement avec l’équipage. Entre la voile et le surfing, ce sont deux cultures associées, mais qui ne se connaissent pas complètement. On a appris les uns des autres. Je suis rincé et eux aussi. Ils ont donné beaucoup car il faut s’imaginer qu’ils me surveillent en permanence, qu’il faut me nourrir, me passer à la mer les différents engins, me lancer les ailes. Ils ont été extraordinaires. »

Une expérience fabuleuse.
 « Je suis parti avec plein de points d’interrogations, plein de concepts. Ce sont désormais des réalités. Il n’y a pas grand chose qui puisse m’arrêter de sourire aujourd’hui. Je me suis fait peur à plusieurs reprises, avec des moments très chauds mais j’ai appris beaucoup sur moi, sur les autres, sur le kite et sur la voile. À tel point que je suis désormais apte à envisager un voilier à kite qui fonctionne.»


Crédit photo : Jono Knight
La tête embrumée par tant de moments forts, Manu Bertin a du mal à en choisir un. «S’il devait en rester un seul, ce serait un pur moment de grâce que les gens qui font de la glisse comprendront facilement. Une brise régulière, debout sur ma long board en équilibre parfait, les pieds joints. Tout était juste, impeccable, de la glisse sublime, seul au milieu de l’Atlantique avec les poissons volants qui t’accompagnent. C’était bien la première fois qu’ils voyaient passer une planche de surf à cet endroit. »
 
Source : www.manubertin.com